Maintenant, tout le monde va savoir

aurorecrn
4 min readOct 2, 2020

10 ans de publicité plus tard, tu mets fin à ta 1ère vie.
Celle dans laquelle tu t’étais jetée à bras le corps, de tout ton cœur.

Une vie à 300 à l’heure, où t’avais l’impression de vivre quelque chose d’important quitte à sacrifier des dîners faute de “charrette”, des week-ends “parce qu’il faut boucler pour lundi”, des vacances à checker tes mails “pour être sûre que tout roule, juste 5 mins, comme ça j’ai l’esprit tranquille”… Sans jamais avoir le sentiment de passer à côté de ta vie.

10 ans entourée de proches qui s’inquiètent car ils ne comprennent pas l’urgence/l’enjeu qui te bouffent, de copines qui félicitent ta ténacité, de copains qui minimisent l’importance de tout ça en blaguant.
T’avais bien commencé à te lasser, à trouver des défauts au modèle : t’avais changé de boîte.
T’avais continué à te lasser, tu t’étais mise à questionner le modèle, tout ça te foutait en rogne. De nouveau, t’avais changé de boîte.
Tu t’es accrochée, débattue entre tes convictions et tes consternations, mais ça a fini par te sauter à la gueule : te voilà dégoûtée.

Après une année très très longue à prendre conscience que tu ne voulais plus continuer — une année terriblement épuisante,
de remise en question (je suis mauvaise, j’ai perdu la flamme),
de panique (mais je ne sais rien faire d’autre),
de déni (c’est la fatigue, oh un corbeau !),
de colère (comment j’ai pu en arriver là ?!),
de résignation (quoi que je décide de faire, je le ferai de tout mon coeur mais ça c’est terminé),
d’exploration (boucher…hypnothérapeute…),
de négociation (🤬),
d’excitation (je ferais du mieux que je peux mais je vais faire ma part !),
de soulagement (Ça, c’est fini. Ça, j’ai trouvé),
de temps de récupération (dormir, nager, manger, dormir, nager, manger)

Je renais.

Se reconstruire pour moi, c’est comme allumer un grand feu.
Au début, on part à la recherche de brindilles, par-ci par-là, on découpe des bûches. Parfois le bois est humide, parfois même mouillé. On gratte des allumettes plus ou moins longtemps. La fumée apparaît, discrète au début. Puis les flammes se font plus nombreuses et le feu prend.
C’est terriblement euphorisant d’observer les flammes grimper et lécher les étoiles et puis soudain un crépitement un peu brusque nous fait sursauter, un morceau de braise se détache et jaillit hors du feu et nous fait reculer.
Ce feu nous brûle les joues de joie, de sa chaleur réconfortante, et quand il est moins vif, il nous donne brusquement la sensation de nous avoir laissé glacé.e. alors qu’il brûle toujours. On s’inquiète alors de le raviver.

Aujourd’hui mes journées sont ainsi.
Des matins parfois brûlants où tout semble possible, hypnotisée par ce que j’apprends, fascinée par celleux que je rencontre et qui partagent avec moi toutes leurs richesses.
D’autres matins glacés où la flamme puissante laisse place à une braise fatiguée. Où je me sens seule et toute petite face au réel froid et chaotique, insignifiante comparée à la puissance de personnes extraordinaires qui font bouger les choses.
Mais chaque jour, j’essaie d’appliquer les enseignements des grand.e.s de ce monde, avec comme briquet dans ma poche cette phrase qui ravive toujours ma flamme :

“Posez-vous la question de ce que vous feriez si vous n’aviez pas peur et faites-le.”

(S.Sandberg), qui entre parfaitement en résonance avec l’interpellation dure mais juste de Françoise Parturier dans sa Lettre ouverte aux femmes

“La liberté ne se demande pas elle se prend. Il n’y faut que de l’audace et de la solidarité, or ce sont justement les deux qualités qui vous manquent le plus. Vous n’osez pas oser. Vous avez peur de ne pas pouvoir, peur d’être empêchée, peur d’échouer, peur d’être punie, peur de manquer, peur d’être seule, peur d’être ridicule, peur du qu’en dira-t-on, PEUR DE TOUT.”

Aujourd’hui avec mon tison (notez la métaphore filée au vocabulaire alimenté), nous avons attaqué mon Linkedin…

La flamme a oscillé entre le sentiment de capituler devant tout mon réseau et de dynamiter mon passé pour me libérer.

Le syndrome de l’imposteur s’est invité au coin du feu un bref instant, quel poste, que dire, mes études, quelles études ? je n’ai fait que lire…

Subitement j’ai tisonné l’ennemi d’un clic sec en annonçant à ma petite communauté “ 🚧 en cours de déconstruction. Engagée pour l’égalité F✖️H et mobilisée contre les violences & les discriminations”.

Maintenant tout le monde sait et la flamme n’a pas vacillé.

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aurorecrn

🚧 en cours de déconstruction. Engagée pour l’égalité F✖️H. Mobilisée contre les violences & les discriminations. Fondatrice de NouvellesInteractions.fr 💋